Tajeddine Bennis: “ la main d’œuvre marocaine devient un atout qui pousse les investisseurs étrangers à s’installer au Maroc”
Automobile - Des exportations record pour la troisième année consécutive en 2016, avec 316.712 véhicules expédiés à l’étranger, soit une hausse de 22,4% en glissement annuel.
En effet, depuis 3 ans maintenant, le secteur automobile connaît un essor remarquable au Maroc. Selon la dernière analyse de l’Oxford Business Group (OBG) parue le 28 février dernier, cette croissance est basée en partie sur la hausse de production de 18% dans les usines du constructeur automobile français Renault à Tanger et Casablanca. A terme, elle est destinée à satisfaire les marchés grandissants d’Egypte, de Tunisie et de Turquie.
Tajeddine Bennis, président de la branche Industrie au sein de l’AMICA (Association Marocaine pour l’Industrie et le commerce de l’Automobile), s’exprime sur le sujet.
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Quel est le Chiffre d’Affaires(CA) du secteur de l’automobile marocain pour les années 2014, 2015,2016? Pourriez-vous nous commenter l’évolution de ces 3 dernières années?
T.B: En 2010, le chiffre d’affaires du secteur automobile était de 12 milliards de dirhams, avec une profondeur d’intégration de 20%. Autrement dit, on parle de 2,4 milliards de dirhams de valeur résiduelle qui est restée au Maroc. En 2014, nous étions à 33% de profondeur d’intégration avec un CA de 40 milliards de dirhams. Au terme de l’année 2016, nous avons réalisé un CA de 59 milliards de dirhams avec un taux d’intégration de 42% et plus de 25 milliards de dirhams de valeur résiduelle. Ainsi entre 2014 et 2016, nous avons augmenté le CA de 20 milliards de dirhams et nous avons doublé la valeur résiduelle au Maroc. A l’horizon 2020, nous dépasserons les 100 milliards de dirhams de CA avec un taux d’intégration de 65%, il sera question de 65 milliards de dirhams de création de richesse au Maroc.
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A combien s’élève le niveau des exportations du secteur automobile marocain pour les années 2014, 2015, 2016? Pourriez-vous commenter la progression?
T.B: Depuis 2014, l’automobile est le premier secteur exportateur au Maroc. Son CA à l’export a augmenté de 50% depuis. Ce progrès est essentiellement dû au lancement du Plan d'Accélération Industriel instauré la même année. La montée en puissance de Renault avec ses équipementiers est également prise en considération. Je rappelle que Renault Maroc a assemblé 345.000 véhicules en 2016 entre SOMACA à Casablanca et Renault Tanger Exploitation. Il y a aussi l’arrivé de beaucoup d’autres équipementiers automobiles qui sont actuellement en train d’exporter vers l’Europe. A cela s’ajoute Peugeot avec ses trois composantes (ressources d’achat, ingénierie et logistique), qui fabriquera au terme de l’année 2023, 200.000 moteurs au Maroc. Celle-ci compte aussi exporter du Maroc vers ses usines présentes en Europe, l’équivalent d’un milliard d’euros, donc 10 milliards de dirhams. Il est vrai que l’activité de Peugeot démarrera en 2019, mais sachez tout de même que le sourcing à partir du Maroc vers ses usines en Europe a déjà démarré.
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Combien d’emplois ont été créés durant les 3 dernières années dans le secteur automobile ?
T.B: En 2014, le secteur de l’automobile comptait 75.000 emplois. En 2016, plus de 40.000 emplois additionnels ont été lancés avec les décisions d’implantation de plusieurs équipementiers. A noter que le PAI prévoit la création de plus de 90.000 emplois pour la période 2014-2020. Pratiquement, la moitié de ces postes d’emploi a été lancée durant les deux premières années.
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Pouvez-vous nous citer les noms des 8 entreprises portugaises formant la délégation qui s’est rendue au Maroc le 21 février dernier pour prospecter le marché national?
T.B: Nous avons effectivement rencontré des opérateurs portugais qui prospectaient au Maroc afin d’installer leurs usines, en collaboration avec le service économique de l’ambassade portugaise.
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Quelle était l’issue des meetings auxquels vous avez pris part dans le cadre de cette visite? Sur quoi porteront les partenariats étudiés?
T.B: Tout d’abord, les entreprises ont pris connaissance de l’évolution du marché marocain. Elles se sont aussi familiarisées avec les infrastructures marocaines qui ont été mises en place dans le cadre industriel. Quant aux partenariats étudiés, citons pour exemple le grand opérateur portugais Simoldes, qui a décidé de s’implanter au royaume avec un investissement de 60 millions d’euros pour générer plus de 600 nouveaux emplois.
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Quelle est l’importance de la qualification de la main d’œuvre pour le secteur automobile au le Maroc? Quelles sont les mesures entreprises dans ce sens? Et comment l’AMICA intervient-elle sur ce volet?
T.B: Aujourd’hui, la main d’œuvre marocaine devient un atout qui pousse les investisseurs étrangers à s’installer au Maroc. Cela grâce au déploiement de tout un chantier par l’office de formation professionnelle qui a accompagné l’arrivée de tous ces équipementiers et constructeurs, mais aussi grâce à la qualité des ingénieurs marocains issus des universités et d’écoles d'ingénieurs. Pour ce qui est de l’Amica, c’est très simple, nous avons une commission de travail mixte entre industriels et opérateurs de formation, notamment l’OFPPT, c’est la cellule dédiée au développement des compétences. Pour les prochaines années, nous avons identifié un besoin de 90.000 profils à répartir par région. A partir de cette matrice, nous discutons du programme de formation auquel nous participons en l’ajustant par rapport aux besoins. Plus concrètement, nous intervenons auprès des étudiants en organisant des séminaires thématiques et en les recevant en stage à la fin de chaque année. Ces derniers deviennent ainsi parfaitement opérationnels au terme de leur cursus de formation. D’où l’excellence de la main d’œuvre marocaine. Conséquemment, nous avons les exemples des équipementiers installés au Maroc qui ont tous connu à minima des extensions voire même, des duplications d’usines comme c’est le cas pour Sumitomo qui est passé à 7 usines en créant 18.000 emplois. Ou encore le groupe Yazaki qui dispose de 3 usines à plus de 10.000 emplois. Lear aussi, avec 6 usines et 3 branches d’activité. Mais aussi le groupe Delphi, avec 4 usines à plus de 12.000 emplois. Ce dernier projette également d’ouvrir 6 nouvelles usines au Maroc.
Propos recueillis par Chaima Ezzahraoui